Le temps solidifié

Commissariat : Pascale Beaudet

Comme l’a écrit l’auteur et psychanalyste Daniel Sibony, l’œuvre d’art est un « objet-temps », dans la mesure où elle solidifie le temps, en contient, réfère à des moments qui ont existé et en produit de nouveaux, des « plus-de-temps ». Ce postulat s’applique particulièrement bien aux œuvres de Louis-Charles Dionne, qui redoublent cette proposition en « solidifiant » des objets du quotidien.

Cartes de temps, formulaires d’état civil, dossiers, cartes à jouer, banc de neige : tous ces objets bénéficient d’une réorganisation de leur manifestation physique, soit en pierre, soit en bronze. Ces matériaux connotent l’histoire de la sculpture et du monument commémoratif. Symbolisant le temps long, ils incarnent aussi ce à quoi le modernisme s’est opposé. Le matériau informe, « ignoble », par rapport à noble, est devenu emblématique des œuvres du XXe siècle.

Le renversement de perspective que propose Dionne dans cette exposition n’est pas un retour à l’ordre ancien. Appliqué à des objets de la quotidienneté, il propose une lecture de la vie contemporaine axée sur le temps et la bureaucratisation de la pratique artistique. Les icônes de dossiers à remplir pour les demandes de bourse et les appels de dossiers qui s’accumulaient sur l’écran de l’ordinateur se figent en morceaux de marbre ou en pierre composite. Le banc de neige, symbole même de l’éphémérité, trouve sa pérennisation dans le bronze. Marbre et bronze s’installent dans un centre d’art actuel pour revendiquer la constance de l’éphémère.